La parabole des simples


Le roi de la Loi, qui détruit l'existant,
apparaît au monde
et, selon les désirs des êtres,
prêche la Loi de façon variée.
Vénérable est l'Eveillé,
sa sagesse est profonde et porte loin;
longtemps il en tait la quintessence,
il ne cherche pas à l'exposer précipitamment.
Qui a la sagesse, s' il l'entend,
peut croire et comprendre;
qui est sans sagesse doute et regrette,
et elle est à jamais perdue pour lui.
C'est pourquoi, Kâçyapa,
il leur prêche selon leurs forces,
en toutes sortes de modalités
il leur fait obtenir la vue correcte.
Kâcyapa, il te faut le savoir,
il en est comme d'une grande nuée
qui se lèverait sur le monde
et recouvrirait l'ensemble des choses,
une nuée bienfaisante, porteuse d'humidité,
aux éclairs fulgurants,
au tonnerre faisant trembler au loin,
et qui réjouit les êtres.
Elle obstrue les rayons du soleil,
rafraîchit la terre,
elle s'étire vers le sol en longues traînées
que l'on pourrait presque attraper.
Sa pluie, universelle, égale,
tombe aux quatres orients,
se déverse sans mesure,
tout le sol s'en imprègne,
monts et fleuves, vallées encaissées,
au plus profond desquelles poussent
herbes, arbres et simples,
essences grandes et petites,
céréales, riz,
cannes à sucre, vignes;
il n'est rien qui, humecté par la pluie,
ne prospère pleinement.
Le sol desséché est partout aspergé,
simples et arbres foisonnent de concert;
l'eau d'unique saveur
issue de cette nuée,
herbes et plantes, buissons et forêts,
selon leur part en sont imprégnés;
tous les arbres,
qu'ils soient suérieurs, moyens, inférieurs,
conformément à leur taille,
peuvent chacun croître et pousser;
racines, tronc, branches et feuilles,
fleurs et fruits aux brillantes couleurs,
sitôt que la pluie les atteint,
gagnent tous un éclat de fraîcheur.
Selon que leur substance, leur aspect,
leur nature se répartissent en grands et petits,
bien qu'ils soient uniment humectés,
ils foisonnent chacun à sa manière.
Il en est de même de l'Eveillé:
il apparaît au monde
comparable à la grande nuée
qui recouvre l'ensemble des choses;
dès lors qu'il est au monde,
à l'intention des êtres,
il expose en distinctions et discernement
la réalité des enseignements et entités.
Le grand saint le Vénéré du monde,
au milieu de toutes les foules
de dieux et d'hommes,
proclama ces paroles :
"je suis l'Ainsi-Venu,
le vénéré des humains aux deux jambes;
apparu au monde
tout comme une grande nuée,
je fertilise pleinement l'ensemble
des êtres fanés et flétris,
leur permets à tous de se dégager de la douleur,
d'obtenir la félicité du soulagement,
la félicté du monde
aisi que la félicité de l'Extinction.
Vous tous, foule des dieux et des hommes,
écoutez bien, d'un seul coeur !
Vous vous devez de vous rendre ici
et comtempler le Vénéré sans supérieur.
Je suis le Vénéré du monde ,
celui que nul ne put égaler;
c'est pour soulager les êtres
que j'apparais au monde,
je prêche aux multitudes
la Loi d'une pureté de douces rosée, d'ambroisie;
cette Loi a une unique saveur,
elle est délivrance et Exctinction.
En un son sublime et unique,
j'en expose et développe le sens;
c'est toujours en vue du Grand Vhéhicule
que je confectionne cause et conditions.
J'en considère l'ensemble
universellement, également pour tous,
je n'ai, pour l'un ou pour l'autre,
nulle pensée d'amour ou de haine;
je suis sans attachement ni cupidité,
sans limite ni obstacle non plus;
invariablement pour tous tant qu'ils sont,
en toute égalité je prêche la Loi;
comme je le fais pour un seul,
de même fais-je pour tous.
Toujours j'expose la Loi;
je n'eus jamais d'autre entreprise.
Que j'aille ou que je vienne, debout ou assis,
je ne ressens aucunement fatigue ni dégoût,
je remplis le monde
comme la pluie fertilise tout;
sur nobles et vils, supérieurs et inférieurs,
moraux ou immoraux,
pourvus ou dépourvus
d'autorité imposante,
aux vues correctes ou perverses,
aux facultés aiguës ou obtuses,
tout également je fais pleuvoir la pluie de Loi,
et ce sans me lasser.
Ceux, parmi l'ensemble des êtres,
qui entendent ma Loi,
selon ce que leur force en reçoit,
demeurent en les diverses terres;
certains trouvent place parmi les hommes ou les dieux,
comme saints souverrains de l'orbe,
comme Indra, Brahamâ ou les divers rois :
ce sont les simples mineurs.
Ceux qui prennent connaissance de la Loi sans infection,
qui peuvent gagner l'Extinction,
susciter les six pouvoirs divins,
et obtenir les trois sciences,
qui résident solitaires par monts et forêts,
qui pratiquent constament méditation et concentration,
qui obtiennent d'attester l'Eveil par les conditions,
ce sont les simples moyennes.
Ceux qui sont en quête de la place de Vénéré du monde :
" Je deviendrai pour sûr un Eveillé" [disent-ils],
pratiquant le zèle et la concentration,
ce sont les simples supérieures.
De plus, les fils d'Eveillé
qui consacrent leur pensée à la voie d'Eveillé,
qui pratique constament la compassion,
sachant en eux-mêmes qu'ils deviendront Eveillés,
sans obstacle dans leur détermination,
constituent les petits arbres.
Ceux qui , demeurant fermement en leurs pouvoirs divins,
mettent en branle la roue sans régression,
sauvent par innnombrables milliers
de millions, les êtres,
de tels êtres d'Eveil
constituent les grands arbres.
La prédication de l'Eveillé, égale pour tous,
est comme la pluie dont la saveur est unique;
selon la nature des êtres,
elle n'est pas reçue de même façon,
tout comme les herbes et les arbres
sont imprégnés différemment.
L'Eveillé utilise cette parabole
pour révéler et montrer à l'aide d'expédients,
et, par une variété de locutions,
exposer la Loi unique.
Dans la sagesse de l'Eveillé,
c'est comme une goutte dans l'océan.
Je fais pleuvoir la pluie de Loi
qui remplit le monde;
la Loi, dont la saveur est une,
est pratiquée selon les forces de chacun.
De même, dans ces forêts,
les simples et les arbres,
en fonction de leur taille,
croissent peu à peu en luxuriance et en beauté.
La Loi des Eveillés
est toujours d'une unique saveur,
elle permet aux mondes
universellement de gagner la plénitude
et, par une pratique graduelle,
à tous d'obtenir le fruit de l'Eveil.
Les auditeurs et les éveillés par les liens causaux,
qui ont élus domicile dans monts et forêts
et demeurent en leur dernier corps,
à l'écoute de la Loi en obtiennent le fruit :
ils constituent les simples,
chacun obtient de croître et grandir.
Chez les êtres d'Eveil,
fermes en leur sagesse,
qui ont accès aux trois mondes,
en quête du Véhicule insurpassable,
ils constituent les petits arbres
et obtiennent aussi de croître et grandir.
Il y a encore ceux qui demeurent en méditation
et obtiennent les pouvoirs divins;
entendant que les entités sont vides,
ils se réjouissent grandement en leur coeur;
ils émettent d'innombrables rayons lumineux
pour faire traverser les êtres ;
ils constituent les grands arbres
et obtiennent aussi de croître et grandir.
C'est ainsi, Kâçyapa,
que la Loi prêchée par l'Eveillé
est comparable à un grand nuage :
à l'aide de sa pluie de saveur unique,
elle fertilise les fleurs humaines
et chacun obtient de réaliser son fruit.
Kâçyapa, il faut le savoir :
grâce aux relations
et à la vérité des paraboles,
révéler et montrer la Voie d'Eveillé,
tels sont mes expédients salvifiques;
il en va de même des Eveillés.
Maintenant, à votre intention,
j'expose une chose éminemment réelle :
la foule des auditeurs
n'est aucunement passée en Disparition;
ce que vous, vous pratiquez
est la voie des êtres d'Eveil;
en la cultivant graduellement,
vous obtiendrez tous tant que vous êtes de devenir Eveillés "

La parabole des simples
Le Sûtra du Lotus

traduit du Chinois par Jean-Noêl Robert
Edition Fayard

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